Nouvelle CCT, compensation, formation et attractivité de la branche… : un entretien exclusif avec Ludovic Voillat, Secrétaire général de la Convention Patronale de l’industrie horlogère suisse

En vigueur depuis quelques mois et valable jusqu’en 2029, la nouvelle CCT pour les industries horlogères et microtechnique concerne 500 entreprises et près de 55’000 employés, soit 85% des travailleurs de l’horlogerie. Pourriez-vous nous expliquer les principales nouveautés de cette CCT et ce qu’il faut en retenir ?

Oui, après une année de discussions, la nouvelle mouture de notre texte conventionnel est entrée en vigueur cet été. Parmi les améliorations pour les collaborateurs, on peut souligner :

  • Une augmentation des congés parentaux : 3 semaines pour le congé paternité et 19 semaines pour le congé maternité.
  • Une hausse de la participation patronale aux primes maladies, qui passe désormais à 195 CHF.

Du côté des employeurs, des avancées notables ont également été obtenues, notamment une réduction des délais de protection en cas de maladie après un licenciement, offrant plus de flexibilité dans la gestion des effectifs.

Philippe Bauer, président de la CPIH et Ludovic Voillat, secrétaire général de la CPIH lors de la signature de la CCT

S’agit-il pour vous d’un véritable compromis équilibré entre avancées sociales et maintien de la compétitivité des entreprises ?

Les négociations apportent toujours leur lot de frustrations, tant d’un côté que de l’autre. Nous avons la chance de vivre dans un pays où le consensus est valorisé et où le dialogue entre partenaires sociaux reste possible.

Même si les discussions peuvent parfois être animées, elles aboutissent souvent à des améliorations. Cependant, il est important de reconnaître que nous avons atteint un certain plafond en matière de grandes avancées sociales, comme la réduction du temps de travail, par exemple.

De plus, il devient crucial de préserver la flexibilité des entreprises, qui doivent déjà faire face à de nombreuses obligations légales et à la charge administrative particulièrement lourde qu’elles provoquent.

 Y’a-t-il des sujets qui n’ont pas été tranchés avec les syndicats et qui restent en débat ?

Bien entendu, certains sujets restent en discussion, et c’est tout à fait normal dans le cadre du dialogue social. Les négociations entre partenaires sociaux sont un processus continu qui évolue avec le temps et les enjeux de la branche.

Cependant, par respect pour la confidentialité des échanges et pour préserver un climat de confiance avec nos partenaires, nous avons pour habitude de ne pas communiquer publiquement sur ces points tant qu’ils n’ont pas abouti. Notre objectif reste de parvenir à des solutions équilibrées, dans l’intérêt des collaborateurs et des employeurs.

Malgré une conjoncture incertaine, vous nous confirmez que les employeurs vont accorder la compensation complète du renchérissement à leurs employés. Concrètement, qu’est-ce que cela se traduira pour les employés de la branche ?

Les discussions concernant l’allocation de renchérissement au 1er janvier 2025 ont eu lieu cet automne entre le syndicat UNIA et les représentants des entreprises horlogères et microtechniques. Effectivement, celles-ci ont principalement porté sur les perspectives économiques pour l’année à venir et le manque de visibilité quant à son évolution.

Malgré les inquiétudes liées aux défis économiques actuels et futurs, les entreprises ont décidé d’accorder la compensation complète du renchérissement (Fr. 65.-) à partir du 1er janvier 2025, marquant ainsi leur engagement à soutenir leurs collaborateurs face à l’inflation et à la hausse du coût de la vie.

Selon vos informations, est-ce que les métiers de l’horlogerie et des microtechniques attirent toujours autant les jeunes suisses ?

Oui, ces métiers continuent d’attirer les jeunes. Cependant, leur promotion reste un enjeu central pour la branche. Comme dans d’autres secteurs, nous devons redoubler d’efforts pour les valoriser, car l’intérêt des jeunes s’oriente de plus en plus vers des domaines tels que le commerce, la santé, le social ou encore l’informatique, au détriment des professions plus manuelles.

Est-ce que le nouveau Brevet fédéral de Responsable d’atelier dans les domaines de l’horlogerie est un succès ? A qui s’adresse-t-il en priorité ?

Il est encore un peu tôt pour parler de succès, car cette nouvelle formation a débuté seulement cet été dans deux écoles romandes : le CEFF à St-Imier et l’Ifage à Genève. Une session en langue allemande devrait également démarrer à Granges en 2025.

Ce brevet fédéral a été conçu à la demande des entreprises, avec un contenu spécialement adapté aux spécificités de l’industrie. Il s’adresse en priorité aux collaborateurs expérimentés souhaitant évoluer vers des fonctions de gestion d’atelier ou de coordination dans le secteur.

Y a-t-il encore des offres d’emploi qui ne sont pas satisfaites dans certains métiers de l’horlogerie, avec des profils très rares et très recherchés ?

Dans la conjoncture actuelle, les préoccupations des entreprises se concentrent davantage sur d’autres priorités. Cependant, il est évident que les profils très spécialisés suscitent toujours un fort intérêt de la part des employeurs.

Quels sont les prochains challenges importants de la Convention patronale ?

Les défis sont nombreux au regard des missions dont notre faîtière a la responsabilité.

Tout d’abord, il s’agit de continuer à défendre les intérêts de la branche en garantissant des conditions-cadres optimales, tout en préservant la paix sociale et un dialogue constructif avec nos partenaires sociaux.

Ensuite, il est essentiel de soutenir nos entreprises en leur proposant des outils modernes et adaptés, afin de les accompagner face aux nombreux défis, notamment en matière de santé physique et psychique des collaborateurs.

Un autre enjeu majeur est de poursuivre le développement des formations en les adaptant aux besoins évolutifs de la branche, pour garantir l’excellence et la compétitivité de notre secteur.

Enfin, nous devons renforcer l’attractivité de nos métiers auprès des jeunes, en modernisant leur image et en valorisant les opportunités qu’ils offrent.

Propos recueillis par Stephan Post, EPHJ

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